Au même titre que la plupart des intrants en agriculture, le prix des lactoremplaceurs, qui fut longtemps plutôt stable, fluctue grandement (et surtout vers le haut) depuis quelques années. En revanche, l’explication de cette fluctuation est différente de celle des autres intrants.

En effet, c’est en 2016 que le Comité canadien de gestion des Approvisionnements de lait (CCGAL) a décidé de modifier les règles qui permettaient à la Commission canadienne du lait (CCL) de vendre les surplus de poudre de lait écrémé (PLÉ) aux fabricants de lactoremplaceurs. Rappelez-vous de la saga de l’importation des É.-U. de protéine de lait liquide qui était une forme de contournement des importations gérées par la gestion de l’offre. Les négociations sur le sujet ont mené à la disparition de cette classe de lait. Depuis, les fabricants de lactoremplaceurs doivent négocier mensuellement leurs approvisionnements directement avec les transformateurs, d’où la variation de prix. La hausse des prix de lactoremplaceurs confrontée à une certaine stabilité du prix du lait à la ferme en a forcé plusieurs à remettre en question la rentabilité de l’utilisation des lactoremplaceurs, avec raison. Il fallait bien calculer.

L’ajustement du prix du lait à la ferme lors des deux dernières années a changé passablement la donne. Au moment d’écrire ces lignes, le prix des lactoremplaceurs est à la baisse et ces derniers redeviennent fort intéressants à utiliser à la ferme. Il y a aussi pas mal de « lait à faire »; du quota a été ajouté au quota négociable des fermes laitières et depuis quelques années, il y a au moins neuf mois dans l’année avec au minimum une journée supplémentaire offerte. Dans un contexte de sous-production (journée supplémentaire à faire, marge de production sous zéro ou encore dans une situation de non-reportable), comparons le prix du lait entier et le coût de remplacement par de la poudre de lait. En mars, le prix moyen pondéré du lait à la ferme, moins les déductions tournaient autour de 90 $/hl dans le P-5. Au même moment, il en coûte 0,63 $ à 0,70 $ le litre de lactoremplaceur. Si on compare une moyenne de 8 litres par veau par jour, l’économie représente de 3500 $ à plus 5 000 $ pour un élevage de 40 génisses par année (100 vaches, 80 animaux de remplacement) ! Mais la comparaison ne s’arrête pas là. D’abord, les lactoremplaceurs sont mieux équilibrés en gras et protéine pour les besoins du veau. En effet pour obtenir un gain de poids « maigre », c’est-à-dire un gain de poids dû à la croissance du squelette et non à l’augmentation de tissu adipeux, il lui faut plus de protéine et moins de gras. « Comment prétendre que c’est mieux que le lait maternel ? » me direz-vous. Il ne faut pas oublier que depuis des décennies d’élevage, nous travaillons pour augmenter la teneur en gras de notre lait, en partie à cause de notre système de contingentement qui est basé sur les livraisons de gras.

Finalement, la plupart des lactoremplaceurs contiennent des additifs fort utiles pour aider les jeunes veaux à obtenir un bon départ de croissance : oléagineux, catalyseur digestif, sélénium organique, sucres spécifiques et j’en passe.  D’autre part, certaines grandes fermes ont souvent pas mal de lait non vendable qui pourrait être utilisé pour les jeunes veaux plutôt que d’être jeté. Il existe aussi des additifs qu’on peut ajouter au lait entier pour améliorer la croissance des veaux. Il vous suffit d’en parler votre expert-conseil de la coopérative.

Hugues Ménard B.Sc. T.P.
Expert, stratégie d’affaire agricole, secteur laitier, Sollio Agriculture