Le réchauffement climatique fait partie de notre quotidien et anime bien des discussions, tant personnelles que politiques. Les périodes de canicule sont de plus en plus fréquentes et longues pendant l’été. Les nuits ne cessent de se réchauffer, ce qui ne donne aucun répit aux personnes ni aux vaches laitières.
D’après l’Atlas climatique du Canada, élaboré par le Centre climatique des Prairies, la région de Montréal passera d’environ 8 nuits tropicales (une nuit tropicale est une nuit où la température minimale dépasse 20 °C) à un peu plus de 22 nuits tropicales par été d’ici 2050 (figure 1). De plus, ce ne sont pas que les régions du sud de la province qui connaîtront une telle augmentation. Selon ce document, qui regroupe 24 études sur l’évolution du climat, la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean passera de 0,7 à 3,7 nuits tropicales, tandis que la région de Québec passera de 0,9 à 4,9 nuits tropicales.
Nos 250 sondes ruminales, installées dans 25 fermes, ont clairement démontré que les périodes de plusieurs jours de chaleur sans répit nocturne sont les conditions les plus stressantes pour nos vaches laitières.
NOS RÉSULTATS EN DÉTAIL
Dans l’édition de septembre 2021 du Coopérateur, l’équipe d’Uniag Coopérative vous présentait le projet de sondes ruminales. Nous sommes maintenant fiers de vous en communiquer les résultats.
Commençons par une revue de l’été 2021 grâce aux sondes ruminales et aux sondes de température et d’humidité qui avaient été installées en début de saison. Le graphique 1 montre les trois principaux mois de l’été, soit juin à août 2021. La ligne verte représente la moyenne quotidienne de l’indice de température humidex (ITH) intérieur des 25 fermes participant au projet d’Uniag. Cet indice interprète la température et le pourcentage d’humidité selon la formule suivante : [0,8 x température (°C)] + [humidité relative x [température (°C) – 14,4]] + 46,4.
Le premier palier de stress thermique est atteint dès que l’ITH dépasse 68 (selon plusieurs sources). Nos données démontrent que, pour 58 % des jours de l’été 2021, la moyenne quotidienne était supérieure à ce premier palier. Par ailleurs, pour 98 % de ces jours, il y a eu au moins une lecture à plus de 68. Les barres vertes représentent, quant à elles, le nombre d’alertes quotidiennes pendant ces mêmes journées.
Des journées comme le 21 et le 22 août démontrent clairement un lien entre une hausse de l’ITH et une hausse du nombre d’alertes, avec un ITH moyen quotidien atteignant 76,3 et 76,7 respectivement. Le nombre respectif d’alertes est quant à lui de 56 et de 64, sur un total de 250 sondes. On peut donc extrapoler que près d’une vache sur quatre était en alerte de stress thermique pendant ces deux journées. Il est également important de noter que, dans nos 25 fermes, certaines ont vu leur échantillon de 10 vaches (sur 10 sondes!) être en alerte de stress thermique, tandis que d’autres ont réussi à n’en avoir aucune.
Nous voulions également comparer la capacité à gérer le stress thermique dans un bâtiment bien ventilé par rapport à un autre ayant un grand potentiel d’amélioration. Le graphique 2 nous permet de comparer les deux installations pendant une période de 24 heures au mois d’août. Les températures ruminales sont représentées par les lignes verte (T rum entreprise 1) et bleue (T rum entreprise 2). Les lignes violette et orange représentent la moyenne de l’ITH du mois d’août pour les entreprises 1 et 2 respectivement.
La grande différence entre les deux entreprises est la température ruminale : celle pouvant améliorer sa ventilation a enregistré près de 0,9 °C de plus pendant le mois d’août. Bien que le maximum d’ITH atteint par les deux installations ne soit pas très différent, la vitesse à laquelle le bâtiment bien ventilé permet de faire descendre l’ITH ainsi que le minimum atteint jouent un rôle déterminant. En effet, le système de ventilation plus performant permet d’aller chercher un minimum sous la barre du stress faible pendant près de huit heures, contrairement à l’autre entreprise, qui ne réussit pas à descendre sous cette barre. Cette période se traduisant comme critique permet donc de refroidir les animaux lorsqu’ils produisent le plus de chaleur, en théorie.
Il est aussi intéressant de comparer les courbes représentant l’ITH et celles des températures ruminales, qui présentent une tendance opposée. En effet, pendant la journée, les courbes d’ITH augmentent jusqu’à atteindre leur maximum autour de 15 h, tandis que les courbes des températures ruminales diminuent pendant cette même période. Cela est principalement dû au fait que, pendant la journée, les vaches passent beaucoup plus de temps debout, que ce soit pour se faire traire ou pour aller s’alimenter et s’abreuver. Elles réussissent donc à se débarrasser de plus de chaleur que lorsqu’elles sont couchées (pendant la nuit).
De plus, la digestion et la production laitière qui s’effectuent pendant la nuit génèrent une quantité de chaleur considérable. On estime qu’en fonction de leur production, les vaches peuvent générer entre 4500 et 6000 BTU par heure, ce qui équivaut à un appareil de chauffage capable de chauffer une pièce à lui seul. Il ne faut pas oublier que ce sont ces mêmes animaux qui réchauffent les bâtiments d’élevage pendant l’hiver.
D’après nos observations, nous avons été en mesure de dégager un type de ventilation se révélant être plus efficace pour résister à l’augmentation du stress thermique. Pour l’instant, les systèmes permettant d’atteindre la plus haute vitesse de vent moyenne se révèlent être les meilleurs. Ce sont donc les types de ventilation comportant plusieurs ventilateurs paniers ou sur cadre en série qui ventilent tous dans la même direction qui se révèlent être les plus efficaces. L’augmentation de vitesse de vent ne s’est pas traduite directement par une baisse drastique de l’ITH intérieur des entreprises possédant un tel système. Toutefois, il était intéressant d’observer l’amélioration de la capacité des vaches à gérer les pics de stress thermique en ayant peu ou pas de hausse de température ruminale. Bien que ce système génère une dépense d’électricité et du bruit, c’est le modèle le plus performant, d’après nos observations effectuées dans le cadre du projet de sondes ruminales.
Dans le troisième graphique, il est possible d’observer l’écart de performance entre une entreprise bien ventilée et une entreprise moins ventilée. Bien que les courbes d’ITH (en violet pour la ferme bien ventilée et en orange pour l’autre) ne semblent pas trop se séparer, sauf dans les gros pics d’augmentation, les courbes des températures ruminales montrent l’avantage d’avoir de la ventilation. En effet, la température ruminale des vaches de la ferme moins ventilée (illustrée par la ligne bleue) augmente de façon drastique lors des périodes de chaleur, tandis que celle des vaches de la ferme bien ventilée (illustrée par la ligne verte) est beaucoup plus stable tout au long de l’été, malgré les pics de stress thermique. Dans ce cas-ci, l’augmentation de la température ruminale s’est directement traduite par un problème de taux de gestation et par l’apparition de désordres métaboliques aux vêlages.
Le quatrième et dernier graphique représente une situation vécue par l’équipe d’Uniag et par un producteur participant au projet de sondes. Il est tiré des nouveaux visuels qui seront sur les rapports Lactascan de tous les producteurs. Il représente trois différents historiques de production de composants combinés (kilos de gras et kilos de protéines), soit la moyenne de la coopérative, la moyenne provinciale et les trois dernières années du producteur.
L’historique du producteur révélait une énorme baisse de production de gras par vache dans les deux derniers étés, comme en témoigne la ligne verte sur le graphique représentant l’année 2020. La ligne pointillée fine représente la moyenne de production de composants combinés de la coopérative avec laquelle le producteur fait affaire, tandis que la ligne à gros traits représente cette même moyenne, mais au niveau provincial.
À la suite de la collecte des données 2020, le producteur a suivi la recommandation formulée par l’équipe d’Uniag d’ajouter des ventilateurs à la mangeoire pour augmenter sa vitesse de vent moyenne. Les résultats furent saisissants. Comme le montre la courbe orange (été 2021), le producteur a réussi à garder une production stable tout au long de l’été, tout en s’éloignant de la moyenne, qui, elle, baisse comme tous les étés. La stabilité de la production de composants lors de l’été est l’effet le plus marqué sur les performances du producteur à la suite de l’ajout des ventilateurs.
Pour conclure, mentionnons que le but premier de l’équipe, en pilotant ce projet, était de permettre aux producteurs de récolter des données tangibles et fiables pour l’évaluation de leur système de ventilation, afin de décider si des modifications étaient nécessaires ou non. La plus grande fierté de notre équipe est d’entendre les témoignages des producteurs, qui nous disent, par exemple : « J’ai calculé rapidement, et c’est 40 000 $ que je suis allé chercher cet été, en comparaison des étés précédents, pour un projet qui m’en a coûté 30 000 et qui sera amorti sur plusieurs années! » Ou encore : « Avant l’ajout des ventilateurs, inséminer une vache en été équivalait à jeter la semence dans le dalot, tellement mon bras était chaud. Maintenant, la température est la même que durant le reste de l’année, et mes performances de reproduction ont cessé de diminuer en été! »
Ce projet n’aurait pas été possible sans la participation de plusieurs producteurs, qui ont sauté à pieds joints sur l’occasion de collaborer avec notre équipe. Ni sans l’apport de chacun des représentants d’Uniag, qui ont tous prêté mainforte pour la collecte des données. Un merci tout particulier à l’équipe de recherche et développement de Sollio Agriculture, et notamment à Annie Pomerleau, qui nous a donné un énorme coup de main pour l’analyse des données.