Avec la valeur élevée des veaux croisés vendus, céder à la tentation de faire trop de saillies de boucherie peut devenir forte. Voici donc des pistes de réflexion sur l’élevage pour vous aider à prendre des décisions rentables pour votre troupeau laitier.

Avant toute chose, il faut savoir qu’actuellement, la production laitière américaine se trouve dans une situation particulière:

  • La taille du cheptel bovin américain est à son plus bas niveau depuis plus de 70 ans.
  • Du début 2022 à 2024, le nombre total de génisses laitières de remplacement aux États-Unis a chuté de plus de 10 %, ce qui fait partie d’une baisse de sept années consécutives de l’inventaire de génisses du pays. L’offre nationale est à son plus bas niveau depuis 20 ans.
  • La commercialisation des vaches de réforme a également atteint un niveau historiquement bas. Comme les fermes laitières ont du mal à trouver suffisamment de génisses pour remplir leurs stalles, elles conservent leurs vaches plus longtemps.
  • « La production laitière américaine est en baisse, parce que nous avons beaucoup trop de vaches à faible production que nous ne pouvons pas remplacer », a déclaré Steve Eicker, cofondateur de Valley Agricultural Software et de son logiciel de gestion de troupeaux Dairy Comp 305. La production moyenne de lait par vache a chuté de 13 lbs/tête (5,9 kg) pour avril-juin 2024 par rapport à la même période en 2023.
  • Selon Steve Eicker, la situation actuelle des inventaires empêchera probablement les fermes laitières de maximiser leur capacité à tirer profit de la hausse actuelle des prix du lait aux États-Unis, parce qu’elles n’auront tout simplement pas les animaux nécessaires pour le faire.

Dans ce contexte, et en considérant la valeur élevée des veaux croisés, il est important que les producteurs de lait se posent de sérieuses questions:

  • Combien ça coûte d’élever une génisse sur ma ferme?
  • Est-ce que j’en élève assez?
  • Si je manque ou j’ai trop de génisses, quels sont les impacts?

Élevez-vous assez de génisses?

Trop de fermes manque de vêlages pour faire le quota et profiter des avantages de la sélection volontaire. Et d’autres ont la génétique, la régie et l’alimentation pour permettre de faire vêler les génisses à 85 % du poids mature à 23-24 mois.

Il n’y a pas de cible unique, le besoin d’élevage peut être très différent d’une ferme à l’autre.

Pour savoir si vous élevez assez, regardez votre inventaire de taures et déterminez les choix de saillies à faire en vous posant ces trois questions:

  • Est-ce qu’élever moins me permet réellement d’être plus rentable ?
  • Quel est le coût d’élevage, le vrai ?
  • Quel revenu supplémentaire l’élevage peut me rapporter ?

Est-ce qu’élever moins, c’est rentable? 

Dans un cas où la ferme n’atteint pas les performances souhaitées, qu’elle manque d’espace ou de main-d’œuvre, la solution est probablement d’élever moins. Par contre, elle risque de tomber dans un cercle vicieux.

Pourquoi? Parce que si on n’élève moins, on doit alors acheter des vaches dans un contexte d’offre amaigrissante. Alors que les statistiques américaines nous laissent croire que le marché des vaches sera dispendieux pour les prochaines années, il pourra être tentant de retarder les réformes, pour des raisons comme la santé du pis, la reproduction, la locomotion, la production, etc. Et c’est là qu’on entre dans un cercle vicieux de réformer quand on n’a plus le choix.

Et quand on étire ainsi la sauce au maximum, on sauve en coût d’élevage, mais combien on perd en revenus parce qu’on a un troupeau moins performant ?

Coûts d’élevage et frais variables

Selon les chiffres de 2023 des groupes conseils, les coûts d’élevage seraient autour de 5500 $/taure. Il faut se rappeler que ces coûts totaux incluent, entre autres :

  • Une valeur de la génisse à la naissance;
  • Le salaire des employés et des propriétaires;
  • Les coûts fixes (entretien et location du bâtiment, équipement, etc.);
  • Les amortissements, les intérêts sur les emprunts, etc.

Est-ce réellement le cas pour vous ?

Pour la majorité des fermes, les charges variables pour élever une génisse laitière tourneront autour de 3000 $, excluant la valeur de la génisse. La moitié de ces frais est en fourrage (qui n’est pas tout en déboursé et la valeur du fourrage est très variable d’une ferme à l’autre).

Si un veau croisé de boucherie vaut 1000 $ à la naissance, vous pourriez alors dire : « Si je peux vendre un veau à 1000 $ à la naissance en plus d’économiser 3000 $ en frais variables sur le coût d’élevage, c’est 4000 $ dans mon budget pour acheter une vache! »

Mais encore faudra-t-il la trouver! Si les vaches sont rares et dispendieuses, la situation pourrait alors devenir dangereuse comme chez nos voisins du sud qui entrent dans le cercle vicieux de reformer lorsqu’on a plus le choix.

D’un autre côté, si vous élevez plus de génisses parce que vous les élevez bien, que vous avez les infrastructures, vos coûts en main-d’œuvre et les coûts fixes resteront probablement les mêmes. Résultat? Le coût moyen d’élevage par génisse va baisser.

Au contraire, si vous élevez moins, ça aura un impact à la hausse sur le coût d’élevage moyen des génisses restantes.

Par exemple: Vous avez une ferme de 100 vaches avec 65 taures en inventaire et vous avez de l’espace à l’étable pour élever 10 taures de plus. Vous êtes rendu à 75 taures.

La masse salariale de l’entreprise change-t-elle ? Les frais fixes vont-ils monter ? Je parie que non.

Est-ce que l’élevage supplémentaire peut rapporter ?

Si on passe de 65 à 75 taures en inventaire, ce sont 5 vêlages de plus par année qui aideront à :

  • Faire le quota et générer du revenu;
  • Être moins dépendant du prix du marché des vaches à la hausse;
  • Vendre des vaches pour la production;
  • Faire de la sélection volontaire pour améliorer la performance du troupeau.

Quel devrait être votre inventaire de génisses ?

Nous sommes dans un contexte historique très particulier. Vous avez des décisions importantes à prendre qui auront un impact économique certain pour le futur.

Plus que jamais, il est temps de prendre du recul et essayer d’anticiper ce qui va se passer sur l’offre et la demande des vaches à court et moyen terme.

Selon les contraintes et possibilités que vous avez, et surtout vos objectifs, rappelez-vous que tout se décide à la saillie. Vous devrez essayer d’anticiper ce qui est le mieux pour vous. Chaque ferme aura ses raisons qui justifieront d’élever plus ou moins.

Contactez votre expert-conseil pour lui poser les questions listées ci-haut et voir à la meilleure stratégie pour vous. Il pourra calculer le nombre de saillies à faire mensuellement pour assurer votre renouvellement selon votre inventaire de vaches, la production, le taux de réforme, l’âge au vêlage des taures, et différents taux de conception anticipé. Le tout avec une marge de sécurité que vous décidez.

Bonne réflexion !

Article publié sur le site web de Sollio Agriculture
Texte de Nicolas Marquis Nicolas.Marquis@sollio.ag